Sous le cuir d'une capuche peu avenante se terre un blême visage blafard fuyant toute exposition. Cachant honteusement les marques de sa déroute passée, il porte un regard vitreux et indifférent sur sa routine devenue étouffante. Des épis de chevelure doré tombant le long de son faciès défiguré, il est dit qu'un étranger n'aura pour toute réponse que sa voix laconique avare de paroles. Ses pensées lointaines vagabondent sur ces quelques mois sanglants en terres inconnues, à jamais meurtries par la perte d'êtres chers dont il ne partage la mémoire.

Sombrement vêtu d'animaux chassés de sa propre main, il s'adonne à la tâche en silence et par sa fine carrure, sans un ébruitement. Ses gestes félins témoignent d'une dextérité sans  pareil, et tire une quelque fierté à ne jamais agoniser sa proie.

Sa présence inspire la crainte de ses pairs, écœurés par l'aura mortuaire que dégage un homme méprisant son existence. Et sans un mot, son corps s'évertue encore à leur offrir cette ingrate protection.

La tentation d'allévier ce fardeau submerge sa volonté par moments, mais tapie au fin fond de sa conscience se cache une dernière étincelle d'espoir. Une lueur dont il ne suspecte nullement la présence et qui ne demande qu'à être ravivée une dernière fois...

Une main étrangère effleura son épaule, le touchant suffisamment pour que se dissipe le sommeil sans rêves auquel il était sujet. L'aveuglante lumière du jour lui brûla les paupières avant que n'apparaisse un horizon qui ne lui évoqua rien sinon un océan d'interrogations. D'autres égarés tapissaient le sol, éveillés ou endormis, sans qu'un seul ne lui évoque clarté d'esprit ni explications aucune. Pourtant, en dépit de l'absence d'histoire, une étrange familiarité s'en dégagea, un imperceptible air de déjà-vu qui par la force des choses mais surtout de l'infortune se transforma en camaraderie.

Cette terre qui ne fut la leur se révéla inhospitalière, intolérante et vengeresse. Dans un élan désespérant de survie, un front uni se heurta à l'anéantissement d'êtres pourtant à la fois si semblables mais si différents. Versant des larmes de sang pour un peuple dont il ne partage que douleur, il enterra un à un les quelques réjouissances de sa courte affection.

Souhaitant ainsi mourir sous l'égide de l'obligation, un traité de paix fut signé pour l'en dérober toute satisfaction. Alors plutôt que d'emplir son cœur de rage et indignement, ce fut au contraire un vide sidéral qui s'en alla chasser toute émotion de l'âme. Brisé par la perte soudaine de sa raison d'être, seul un sens du devoir machinal et impersonnel anime ses gestes.

Aujourd'hui il arpente les terres hostiles et luxuriantes de cette prison en quête d'expiation, avachis par la culpabilité du survivant.