Grand, il tutoie les deux mètres de hauteur pour une largeur d’épaules impressionnante. De longs cheveux blonds tendant vers le châtain lui coulent en cascade le long du visage, sans qu’il ne prenne jamais le temps de les coiffer. En un sens, Thaumel ressemble bien à ce qu’il est: un vagabond côtoyant la forêt et ses sentiers plus que la civilisation.

Ses yeux gris sont sans doute l’attribut le plus notable de ce visage fermé. Scrutant jusqu’aux profondeurs de l’âme sur lesquelles il s’arrête, Thaumel porte un regard intimidant et profond. Un regard cerné de cils noirs relativement longs lui apportant un côté presque féminin et raffiné, en contraste avec cet air bourru qu’il traine partout avec lui.

Sa voix ne fait qu’asseoir un peu plus cette impression étrange qu’il laisse à ceux qu’il rencontre, comme si l’on avait croisé un fantôme. Grave, profonde et gutturale, elle semble trembler contre le verre et l’ardoise à tel point qu’elle pourrait les fissurer. Nul ne l’oublie une fois qu’il l’eut entendu. Nul n’oublie cette sensation d’avoir la gorge comprimée par ses mains calleuses et rèches, serties de cicatrices longeant ses doigts.

Thaumel ne s’encombre généralement pas d’artifices. Vêtu de simples vêtements de cuir noirs, il ne s’équipe que du matériel dont il a besoin pour vivre, un arc pour la chasse et une gourde faite par ses propres soins pour l’eau. Dormir, Thaumel peut le faire partout et ne s’encombre donc pas d’une paillasse.

Il n’a pas beaucoup de défauts, ni de qualités. Thaumel est un être vivant au jour le jour, errant le long des routes sans causer de tort à quiconque hormis les monstres croisant sa route. Peu loquace, il se contente généralement du minimum pour ce qui est d’interagir avec autrui… mais s’il est une chose qu’il aime, ce sont les femmes. De longues années de solitude ne lui ont pas retiré le désir ardent qui l’anime.

S’il oublia sa vie à son arrivée parmi les humains, Thaumel sait qu’il a toujours été seul. Ni attaches, ni envies, seulement des psaumes récités en soliloque lui intimant de se faire une place dans ce monde. Mais parmi les ramifications morfondes de son esprit se trouvaient des velléités barbares, poussant le salamandre à s’attaquer à ces êtres si différents mais pourtant si semblables à ce qu’il était.

Noyant les humains dans son brasier, Thaumel fut un acteur majeur de la guerre qui s’étira entre créatures et humains, persuadé qu’un avenir en commun avec eux ne pourrait que péricliter. Pour se faire une place dans ce nouveau monde dont il ne connaissait rien, Thaumel devait selon lui exterminer la race en place pour laisser une terre vierge d’humains et entièrement libre d’exploitation pour les créatures.

Hélas vint la défaite. Dépassés par les armes de l’humanité et leur nombre, les créatures furent vaincues, si bien que les survivants durent se résoudre à se rendre pour ne pas finir exterminés. Du moins pour certaines, Thaumel ayant continué à se battre bec et ongles jusqu’à être envoyé de force sur l’île, incapable de résister à l’attraction du miroir.

Désormais échoué sur ce nouveau territoire dont il ne connaissait rien et ou tout lui était hostile, Thaumel décida de prendre cette défaite comme une leçon pour se repentir. Désormais, plus question d’attaquer à l’aveugle. Solitaire comme toujours, Thaumel se résigna à rester muré avec lui-même, évitant la civilisation et ses semblables, incapable de communiquer normalement avec eux.

Croisant parfois le chemin de créatures pacifistes, Thaumel étant plus habitué à se faire attaquer qu’autre chose dans ces bois, il vécut sa vie de vagabond sans attaches… mais avec une pointe de sentiment d’inachevé. Perdu sur une île immense dans une forêt érubescente, Thaumel sentait quelque chose lui manquer. A quoi avait donc pu servir son existence, si longue mais d’une telle vacuité ? Il n’avait rien construit de durable, rien fait perdurer, rien entrepris. Thaumel s’était contenté de vivre au jour le jour en attendant sa fin, dénué de toute envie.

Ce fut le déclic lorsqu’il réalisa à quel point son existence n’avait mené à rien. S’il voulait aimer la vie, devenir quelqu’un, Thaumel allait devoir construire quelque chose. Quoi que cela soit, qu’importe. Pour perdurer en ce monde… il allait falloir y apposer sa marque.